se réveiller avec le souvenir du mort qui a visité ta nuit, constater à  cette occasion que ce n’est que dans tes rêves que tu parviens à  retrouver le visage de ton père, ou dans le souvenir d’une photo que tu avais prise de lui, la seule fois où vous êtes partis ensemble en vacances — il devait avoir à  peu près l’âge que tu as maintenant et souriais en prenant la pose, bras écartés et bouteille de rouge à  la main, quelque part dans les Pyrénées, à  l’heure du pique-nique en bord de route —, tu ne parviens pas sinon à  saisir son visage, une silhouette seulement, son visage chaque fois se dérobant —, c’est l’homme vieux et las de souffrir qui cette nuit s’est présenté, qui, en réponse au propos d’un vieil homme inconnu qui lui faisait face et évoquait les ravages de l’âge, a exprimé son renoncement en posant son front sur la table autour de laquelle vous êtes assis et en soupirant, comme il le faisait chaque midi après le déjeuner, sombrant d’une détente brusque dans le sommeil d’une courte sieste —, être troublé par le dédoublement temporel du rêve, durant celui-ci à  la fois conscient que c’est l’image de ton père déjà  mort qui se présente, et qu’il exprime par ses mots et son geste son désir que la mort ne tarde plus, garder en tête son geste de saisir ta main et de t’embrasser le front, et ainsi démarrer ta journée avec un sentiment triple d’insaisissable, celui de la mort, du rêve et de la part de fiction que celui-ci suppose
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