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entre deux | notes

route (notes sur)

Reprise ici du texte écrit lors de l’échange avec Lucien Suel pour les vases communicants de mars 2012 et prenant pour thème la route.


Somewhere along the line I knew thereÕšd be girls, visions, everything ; somewhere along the line the pearl would be handed to me. Jack Kerouac, On the Road, Part 1, Ch. 1

Enfant, la nationale était grand route ; les autres, par ordre décroissant dÕšimportance : petites routes, demi routes, routes à lapins. Quant à lÕšautoroute, elle était menace vague, tempàªte qui longtemps se fait attendre – une vingtaine dÕšannées quÕša duré lÕšattente – moteur pour lÕšimagination : tous ces tracés possibles, et deviner de qui les terres expropriées, coupées en deux, fermes rasées – ceux qui la craignaient tant sont allés en terre peu de temps après son ouverture
Bruit de la route la nuit, immobile dans le lit, et les phares qui glissent à travers la pièce, fenàªtre plafond mur, refermer les yeux
Avant la route, Kerouac était sur le chemin
Et si c՚était par la route quÕšArthur était devenu voyant, avait appris à percer les horizons : dès lors plus de mystère, plus de rupture, mais la continuité dÕšun destin…
Pas de routes sans ponts (ou l՚au-delà à portée de chemin)
Départ, la route se prend d՚abord en dedans
La route est inquiétude pour celui qui ne la prend pas (intranquillité pour les autres).
Ne lÕšavoir jamais prise : pouvoir savoir oser la prendre
Avoir fait semblant de la prendre, traversées d՚est en ouest jusqu՚à la cà´te, échappées belles et jeu de cache-cache avec la mort, rouler vite piles de cassettes un sac à dos livres de poche bouteilles sur le plancher, jamais plus d՚un passager, souvent le màªme, parler chanter (jamais tu n՚es parti sans certitude du retour)
De la nécessité dÕšapprendre la route ; cÕšest seul et dans une chambre, chambre obscure ou bien les yeux fermés, musique qui sort des enceintes, des chansons qui disent la route, la 66 mais pas seulement, la route de celui qui cherche, du boulot ou lÕšabsolu, de celui qui ne tient pas en place, qui ne peut serrer un corps que dans la certitude du départ (et que celle-ci remplace avantageusement celle du lendemain), de celui qui peut te jouer un peu de boogie et un peu de rock, et puis du blues aussi parfois, celui qui vient dans ta ville avec sa guitare (et toi qui écoutes tu te sens un peu plus immobile, un peu plus là , entravé sans en àªtre, premier écart te sentir étranger mais tu sais que tu ne partiras pas, trop dÕšattaches encore, ou pas la force pour, pourtant tu en connaissais un, tu lÕšavais cà´toyé au collège, qui était parti un matin avec le cirque, le Pinder ou le Zavatta qui stationnait sur le parking entre les halles couvertes et la patinoire, à peine parti déjà légende, quÕšil avait donné un coup de mains pour monter le chapiteau, et puis pour le défaire, et que c՚était comme à§a quÕšil avait pris la route)
Prendre la route et lentement retrouver la chambre, mais devenue intérieure ; ou la route comme travail de décantation (au sens de découvrir le seul chant qui vaille pour sa colonne dÕšair, et que chacun le sien)
Fantasme du tout quitter, et ce serait dans une voiture, ce serait rouler longtemps, dormir sur le siège arrière et repartir, sÕšabandonner au tracé, partir avec guitare et de quoi écrire, mieux : de quoi enregistrer, et dire, éclater de sentences, chanter ce qui se présente en chemin, énumérer dénombrer démembrer dépiauter les bouts du monde traversés, seuls les endroits où tÕšarràªter prendront forme dÕšunivers, parce que ton regard circulaire et lÕšillusion que chaque chose à sa place, au début seulement, tu tÕšy raccrocheras, fragile d‘itinérance, mais tu sentiras devineras apprendras que rien là de constitué, désordre hasardeux, cÕšest tout, bientà´t tu ne peineras plus le matin à tÕšen détacher, tu seras celui qui chemine, sans but mais en mouvement, tu deviendras ce mouvement, tu traverseras seras traversé, traversé de tout ce qui remue en dedans, en affleure, à§a aussi tu le chanteras, en vrac, màªlé aux paroles des chansons, aux voix de la radio, aux panneaux lus à voix haute, aux souvenirs de lecture, ce sera débà¢cle et sans rien anticiper de la fin, en mouvement, cÕšest tout
La route pourrait àªtre chantier dÕšune vie : route maritime du Nord, routes de la soie, routes de lÕšor, routes des épices, routes des Indes, routes et autoroutes, routes maritimes, routes des esclaves ; lire Jack London, The road ; rédiger bibliographie de récits où la route ; compiler les chansons comprenant le mot route dans leur titre, et celles ayant la route pour sujet ; route et trip ; route et errance ; route et voyage ; routes et réseaux ; déroute ; carrefours ; route droite et foràªt obscure ; routes qui se croisent, se séparent, etc.

Voir en ligne : Entre-deux

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