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entre deux | notes

ne jamais se résoudre à la fuite

(C՚était donc tout mensonge, ma solidité ?)
H. Michaux, « Jouer avec les sons  », Passages

Tu t՚étais cru fort, tout te paraissait tellement plus simple – tellement plus simple, combien de fois lÕšavais-tu répété ? – tu nÕšattendais plus rien, disais-tu, ce n՚était que prendre ta voiture, avaler ces kilomètres, un aller-retour, sans plus, rien là de dramatique, non, tu nÕšaurais pas dit « blindé  », pas ton vocabulaire, plus costaud peut-àªtre, moins apte à devenir proie – il existait un mot, mais lequel ? – c՚était si peu, le temps dÕšun week-end, sans attente, non, fini lÕšespoir ou la hantise dÕšun dénouement, tu croyais que du passé on pouvait se prémunir, quÕšil suffisait dÕšun récit, qu՚à force de brasser on savait mieux quels mots et quÕšainsi sÕšen défaire de ses charges, mettre à distance les cris douleur, apprivoiser les fantà´mes, lÕšaménager tout ce grand vrac de lÕšintérieur, tu croyais quÕšen faisant bonne figure, quÕšen avanà§ant masqué sans nÕšattendre plus rien, parce que lÕšenvie de souffler, et lÕšimpression que ces combats à force finissent par vous cacher lÕšessentiel, disais-tu, vous embrigadent dans leur néant, alors prendre la voiture et tÕšengager sur lÕšautoroute – au retour cette voiture sortie de la nuit, lente sans feux arrière, freiner, freiner encore, sÕšarràªter lÕšaire suivante et se dire quÕšon nÕšen veut plus de tout à§a – tu te sens tellement loin, sans crainte aucune, tu le savais pourtant, il suffit dÕšun mot, dÕšun regard, pour un oui, pour un non, tu l‘as lu, soupesé, médité, oui, tu le connais ce matériau humain, il suffit dÕšun mot, dÕšun regard, et cÕšest plus quÕšune plaie qui fait surface, pas de cloisons étanches, non, tout est là disponible, pas dÕšenchà¢ssement au passé, matériau volatile, quelle différence, quand venu là pour un baptàªme, ou comme ici fàªter majorité, pas de temps pour ce qui là , que corps s՚élancent ou ratatinent n՚était pas la question, que les voix tremblent ou les yeux sÕšobscurcissent nÕšimportait pas, un mot, un regard, et ce qui figé, ce qui fige, disais-tu, quand la certitude de ne plus sÕšy reconnaître, quand la jouissance du devenir et du risque et que le clos et lÕšamer, passer, disais-tu, ne faire que passer, et ne jamais se résoudre à la fuite
(première version écrite à l’occasion des vases communicants de février 2010 lors d’un échange avec Hervé Jeanney)

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