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entre deux | premier jet

traversé combien de fois ce patelin ?

entre deux : extrait 2

traversé combien de fois ce patelin ?... l՚impression de le connaître presque par cœur… màªme si ne t՚y étais jamais arràªté… passer là chaque fois qu՚aller-retour à la fac d՚Angers… au début où tu bossais sur Orléans aussi… quand de temps en temps revenir voir la famille… moins depuis la mort de ton père… tu t՚éloignes de ta voiture… premiers pas hésitants… sensation que jambes molles… pas bien pàªchu, camarade !... une de ces journées blanches qui t՚attend... étendue vide aux contours imprécis… se laisser porter… pas désagréable… rien à faire de spécial... mis à part pousser tranquillement jusqu՚à la cà´te… l՚idée t՚était venue cette nuit… pas tout de suite… parti rageur de chez le grand Nico… t՚imaginais alors rentrer d՚une traite... te défoulerait de rouler du gros son plein les oreilles… un peu plus tard que tu t՚étais décidé… coup de tàªte !… le panneau Nantes qui t՚avait fait tilter… un peu avant l՚entrée de Chanteloup… Nantes par la nationale… ne pas rentrer direct… n՚avoir pas fait toutes ces bornes pour rien… non pas remonter pas le fleuve comme d՚habitude… mais rejoindre le bout de l՚estuaire… pas grand chose qu՚une centaine de bornes... surtout dans l՚euphorie de la picole !... suffisait de te laisser porter par la route… tu frissonnes… distillerie pourtant à bloc !... te réchauffera un peu de marcher... à l՚autre bout du parking, les pissotières... déjà fermer ton manteau !... ta portière !... demi-tour… ne pas la claquer… telle densité de silence autour… lentement la repousser… tà´le froide… un silence tendu de froid… et ceux qui dorment derrière les murs de granit… leurs corps allongés au pied des armoires à glace… leurs nuques enfoncées aux oreillers brodés… les laisser à leur sommeil… toi seul debout… toi l՚éveillé… non... pas que le monde appartenait à ceux qui se lèvent tà´t… gamin trop entendu la rengaine… mais qu՚il s՚offre à ceux qui marchent dans la nuit… s՚offre à eux sans retenue… y croyais dur comme fer vingt ans plus tà´t… pendant ces nuits d՚été… quand pompiste vigie… seul dans ce creux de deux à cinq… si peu de clients… quasi personne sur la nationale… màªme les camions à l՚arràªt... une histoire de prime offerte par Total… pour à§a que la station demeurait ouverte... tu te souviens de ces cartes gratuites... sept jours sur sept vingt-quatre heures sur vingt-quatre… point rouge sur le tracé de la nationale... et dans un encadré son nom... Relais des Mouchoirs... Cholet... monsieur... c՚était avant les libre-service… avant les automates… tu n՚étais pas si vieux pourtant… ce moment de creux où seule la visite des flics et vigiles… les aboiements des chiens... les griffes des pattes sur la tà´le... uniformes bleus et simili rangers... crachouillis des radios... du temps pour lire... assis dans un décor à la Hopper... magasin rectangulaire aux trois faces vitrées... éclairage néon... tu te souviens du bureau métallique… une plaque de verre épais le recouvrait… dans l՚un de ses tiroirs que la caisse... posés dessus le fer à repasser pour cartes bancaires… un présentoir Hollywood chewing-gum… une colonne de paquets de Gauloises sans filtre… une bonbonnière où des sucettes Chupa Schups.... un téléphone… un minuteur pour quand les clients demandaient à téléphoner… c՚était avant le téléphone portable… des carnets à en tàªte TOTAL… majuscules et lettres rouges… tu y prenais des notes… choisissais des carnets vierges sans le tampon de la station… parfois tu en tamponnais d՚avance... geste qu՚on répète... bruit mécanique... les nuits étaient longues... cet été-là tu lisais Dostoà¯evski… Les frères Karamazov... Crime et Chà¢timent... tu souris à l՚idée de cette silhouette malingre dans sa bulle de néons… levant la tàªte… puis reposant son livre de poche… carcasse dégingandée se mettant debout en guise d՚affirmation… allant au devant… quand ces voitures surgies après la fermeture des bars… l՚autoradio à fond… c՚était hard ou disco quand les portières s՚ouvraient... claquaient… rires… voix hautes de l՚alcool… de la liberté prise… du rien n՚importe… et des filles qu՚on embarque… qu՚ils fassent moins fort... parce que les maisons en face... de l՚autre cà´té de la nationale...pourraient gueuler tant qu՚ils voudraient maintenant… rasées les baraques... plus que parkings et tà´les gaufrées... zone commerciale... y passerais tout à l՚heure... puisque cap à l՚ouest !...

Voir en ligne : extrait 1 (incipit)

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