Michel Brosseau | àchat perché

De tous les romans que nous livrent cette nouvelle rentrée littéraire, Le corridor des mirages de Philippe Desjardins est à coup sà »r le seul qui parvienne à entraîner son lecteur aussi loin dans les arcanes de l՚à¢me humaine. Réfutant dÕšemblée, dans une courte préface aux accents de manifeste, l՚étiquette désormais tant galvaudée de lÕšautofiction – cet exercice de style superficiel où les grincements du Je ne parviennent guère à dissimuler la navrante gratuité du Jeu – Philippe Desjardins nous livre les doutes et souffrances dÕšun narrateur anonyme. Au fil de ses 130 pages, le récit sÕšachemine vers une issue qui, on le devine dès la phrase dÕšouverture, ne peut àªtre que tragique : Si au moins lÕšamer de la mort mÕšarrimait un minimum !...

Suit un huis-clos de 24 heures que rien ne trouble, si ce nÕšest un téléphone portable — dernière laisse en date… désastreuse antidote au doute… antidote au seul… — dont la sonnerie qui nÕšest autre que le riff assassin du Happy Family des Ramones, groupe rock emblématique des années 80… Autre objet récurrent, lÕšordinateur sur lequel sont visionnées quelques vidéos de concerts punks postées sur You Tube : Rien dÕšautre que des déchets numériques, cadavres maintenus à la surface du temps par leurs poumons gonflés dÕšinanité. Une fois mis à mal l՚étendard de la contre-culture, il semble bien quÕšil ne reste plus rien : à€ à§a que tu tÕšagrippais, à des conneries braillardes… Fuck off ! Délaissant les oripeaux du punk, quÕšil avait si souvent mis en scène par le passé, Philippe Desjardins préfère désormais sÕšattacher aux objets du quotidien – la description du placard à pharmacie, modèle dÕšhyper-réalisme et dÕšautodérision ironique constitue à lui seul un morceau dÕšanthologie – afin de mieux nous placer au cÅ“ur dÕšun quotidien angoissant et quasi fantastique . Avec ce nouvel opus, lÕšauteur de LÕšenvers de lÕšEnfer quitte ainsi les rivages de l՚épopée déjantée dans laquelle il excellait, pour aborder une écriture plus complexe mais toujours aussi tonique.