regarder avec son fils, dans le sous-sol de la maison natale, un dessin fait par son grand-père, au même âge que lui à  peu près, quand adolescent il prenait des cours avec le vague projet, ou le désir réprimé, ou impossible — on sait si peu parfois de ceux qui vous ont transmis la vie —, en tout cas jamais réalisé, de devenir dessinateur industriel, identifier l’utilisation du crayon et du fusain, repérer les réussites et maladresses — c’est une tête de cheval, il n’a jamais dessiné que des animaux, ou plutôt il ne reste de ses dessins que ces quatre têtes, de cheval, de vache, de lion et de cerf, avec, pour chacune, ce point commun l’intensité du regard —, lire en bas à  droite l’appréciation du prof écrite à  la plume, travail soigné, s’attarder sur une des oreilles, chercher à  comprendre ce qui ne va pas, entendre son fils dérouler, de trait en trait, les étapes du travail, ses hésitations et ses reprises, être saisi par l’émotion, avoir le sentiment que la distance a été abolie pour un instant, que, par l՚œuvre conservée, même modeste, et par le regard sur celle-ci, la réflexion permise par une technique partagée à  deux générations d’écart et la parole échangée, est revenue jusqu’à  nous une séquence lointaine de gestes et de réflexions d’un mort — avoir ensuite cherché son carton à  dessins, avec en tête le souvenir que s’y trouvait une scène de curée, mais en vain
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