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là encore j’étouffe

Je suppose quÕšil sÕšagit de sauver quelques jeunes hommes du suicide et quelques autres de lÕšentrée aux flics ou aux pompiers. Je pense à ceux qui se suicident par dégoà »t, parce quÕšils trouvent que « les autres  » ont trop peu de part en eux-màªmes. On peut leur dire : donnez tout au moins la parole à la minorité de vous-màªmes. Soyez poètes. Ils répondront : mais cÕšest là surtout, cÕšest la encore que je sens les autres en moi-màªme, lorsque je cherche à mÕšexprimer je nÕšy parviens pas ? Les paroles sont toutes faites et sÕšexpriment : elles ne mÕšexpriment point. Là encore j՚étouffe.
C՚est alors qu՚enseigner l՚art de résister aux paroles devient utile, l՚art de ne dire que ce que l՚on veut dire, l՚art de les violenter et de les soumettre. Somme toute fonder une rhétorique, ou plutà´t apprendre à chacun l՚art de fonder sa propre rhétorique, est une œuvre de salut public.
Cela sauve les seules, les rares personnes quÕšil importe de sauver : celles qui ont la conscience et le souci et le dégoà »t des autres en eux-màªmes.
Celles qui peuvent faire avancer l՚esprit, et à proprement parler changer la face des choses.
Francis Ponge, Proàªmes

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