Où apparaît le motif de la Belle au bois dormant :
à € ces mouvements près, on aurait pu se croire dans le palais de la Belle au bois dormant. La brise du printemps, qui passait sur les bonnets à  longs poils des grenadiers, attestait l’immobilité des soldats, de mà ªme que le sourd murmure de la foule accusait leur silence.
Où il est question de paysages ligériens :
Ainsi, par un effet du hasard, les deux personnes qui se trouvaient dans la calèche eurent le loisir de contempler à  leur réveil un des plus beaux sites que puissent présenter les rives séduisantes de la Loire. à € sa droite, le voyageur embrasse d’un regard toutes les sinuosités de la Cise, qui se roule, comme un serpent argenté, dans l’herbe des prairies, auxquelles les premières pousses du printemps donnaient alors les couleurs de l’émeraude. à € gauche, la Loire apparaît dans toute sa magnificence. Les innombrables facettes de quelques roulées, produites par une brise matinale un peu froide, réfléchissaient les scintillements du soleil sur les vastes nappes que déploie cette majestueuse rivière. à ‡à  et là  des îles verdoyantes se succèdent dans l’étendue des eaux, comme les chatons d’un collier. De l’autre cà ´té du fleuve, les plus belles campagnes de la Touraine déroulent leurs trésors à  perte de vue. Dans le lointain, l’Å“ il ne rencontre d’autres bornes que les collines du cher, dont les cimes dessinaient en ce moment des lignes lumineuses sur le transparent du ciel. à € travers le tendre feuillage des îles, au fond du tableau, Tours semble, comme Venise, sortir du sein des eaux. Les campaniles de sa vieille cathédrale s’élancent dans les airs, où ils se confondaient alors avec les créations fantastiques de quelques nuages blanchà ¢tres. Au delà  du pont sur lequel la voiture était arrà ªtée, le voyageur aperà §oit devant lui, le long de la Loire jusqu’à  Tours, une chaîne de rochers qui, par une fantaisie de la nature, paraît avoir été posée, pour encaisser le fleuve dont les flots minent incessamment la pierre, spectacle qui fait toujours l’étonnement du voyageur.
Au moment où la voiture parvint sur le pont de la Cise, plusieurs voiles blanches débouchèrent entre les îles de la Loire, et donnèrent une nouvelle harmonie à  ce site harmonieux.
L’influence exercée sur l’à ¢me par les lieux est une chose digne de remarque. Si la mélancolie nous gagne infailliblement lorsque nous sommes au bord des eaux, une autre loi de notre nature impressible fait que, sur les montagnes, nos sentiments s’épurent : la passion y gagne en profondeur ce qu’elle paraît perdre en vivacité. l’aspect du vaste bassin de la Loire, l’élévation de la jolie colline où les deux amants s’étaient assis, causaient peut-à ªtre le calme délicieux dans lequel ils savourèrent d’abord le bonheur qu’on goà  »te à  deviner l’étendue d’une passion cachée sous des paroles insignifiantes en apparence.
Où Balzac se fait géographe :
Entre la petite rivière du Loing et la Seine, s’étend une vaste plaine bordée par la forà ªt de Fontainebleau, par les villes de Moret, de Nemours et de Montereau. Cet aride pays n’offre à  la vue que de rares monticules ; parfois, au milieu des champs, quelques carrés de bois qui servent de retraite au gibier ; puis, partout, ces lignes sans fin, grises ou jaunà ¢tres, particulières aux horizons de la Sologne, de la Beauce et du Berri.
dans cette savane de blé, dans ce désert de craie, de marne et de sables où la gaieté meurt, où la tristesse naît infailliblement, où l’à ¢me est incessamment fatiguée par une solitude sans voix, par un horizon monotone, beautés négatives, mais favorables aux souffrances qui ne veulent pas de consolations
Ils se penchèrent ensemble pour voir un de ces majestueux paysages pleins de neige, de glaciers, d’ombres grises qui teignent les flancs de montagnes fantastiques ; un de ces tableaux remplis de brusques oppositions entre les flammes rouges et les tons noirs qui décorent les cieux avec une inimitable et fugace poésie
je pensais amèrement au mépris que nous professons, jusque dans nos livres, pour notre pays d’aujourd’hui. Je maudissais ces pauvre sriches qui, dégoà  »tés de notre belle France, vont acheter à  prix d’or le droit de dédaigner leur patrie en visitant au galop, en examinant à  travers un lorgnon les sites de cette Italie devenue si vulgaire. Je contemplais avec amour le Paris moderne
Où il est question d’indétermination sexuelle :
Le jeune homme avait une de ces figures britanniques dont le teint est si fin, la peau si douce et si blanche, qu’on est quelquefois tenté de supposer qu’elles appartiennent au corps délicat d’une jeune fille.
Conseil de son mari, elle en dirigea les actions et la fortune. Cette influence contre nature fut pour elle une espèce d’humiliation et la source de bien des peines qu’elle ensevelissait dans son cÅ“ur. D’abord, son instinct si délicatement féminin lui disait qu’il est bien plus beau d’obéir à  un homme de talent que de conduire un sot, et qu’une jeune épouse, obligée de penser et d’agir en homme, n’est ni femme ni homme, abdique toutes les grà ¢ces de son sexe en en perdant les malheurs, et n’acquiert aucun des privilèges que no lois ont remis aux plus forts.
Elle lut sur le visage presque féminin du jeune Anglais les pensées profondes, les mélancolies douces, les résignations douloureuses dont elle-mà ªme était la victime. Elle se reconnut en lui.
Il y avait certes une passion d’homme sur la physionomie de cette petite fille bizarre. (...) Insouciant et gai, le blond ressemblait à  une petite fille, tant sa peau blanche avait de fraîcheur, ses mouvements de grà ¢ce, sa physionomie de douceur ; tandis que l’aînée, malgré sa force, malgré la beauté de ses traits et l’éclat de son teint, ressemblait à  un petit garà §on maladif.
Où l’image sert la narration :
Quand son mari sommeilla, madame d’Aiglemont le contempla à  plusieurs reprises. Au dernier regard qu’elle lui jeta, un cahot fit tomber sur les genoux de la jeune femme un médaillon suspendu à  son cou par une chaîne de deuil, et le portrait de son père lui apparut soudain. à € cet aspect, des larmes, jusque-là  réprimées, roulèrent dans ses yeux.
Où il est question des lectures des personnages pour mieux les caractériser :
elle à ´ta vivement ses lunettes, ferma la Galerie de l’ancienne cour, son livre favori
Où les intérieurs renvoient à  un monde mort :
Quand madame d’Aiglement se trouva dans un grand salon, tendu de tapisseries encadrées par des baguettes dorées, qu’elle fut assise devant un grand feu, abritée des bises fenestrales par un paravent chinois, sa tristesse ne put guère se dissiper. Il était difficile que la gaieté naquît sous de si vieux lambris, entre des meubles séculaires. Néanmoins, la jeune Parisienne prit une sorte de plaisir à  entrer dans cette solitude profonde, et dans le silence solennel de la province.
Où Balzac philosophe bref :
nous ne rencontrons peut-à ªtre le vrai que par hasard
Où le mariage est violence destructrice :
La tante, bien convaincue que sa nièce n’aimait pas son neveu, fut stupéfaite en découvrant qu’elle n’aimait personne. Elle trembla d’avoir à  reconnaître dans Julie un cÅ“ur désenchanté, une jeune femme à  qui l’expérience d’un jour, d’une nuit peut-à ªtre, avait suffi pour apprécier la nullité de Victor.
Lorsque mon mari entra, qu’il me chercha, le rire étouffé que je fis entendre sous les mousselines qui m’enveloppaient a été le dernier éclat de cette gaieté douce qui anima les jeux de notre enfance...
Vers deux ou trois heures du matin, Julie était sur son séant, sombre et rà ªveuse, dans le lit conjugal ; une lampe à  lueur incertaine éclairait faiblement la chambre, le silence le plus profond y régnait ; et, depuis une heure environ, la marquise, versait des larmes dont l’amertume ne peut à ªtre comprise que des femmes qui se sont trouvées dans la mà ªme situation. Il fallait avoir l’à ¢me de Julie pour sentir comme elle l’horreur d’une caresse calculée, pour se trouver autant froissée par un baiser froid ; apostasie du cÅ“ur encore aggravée par une douloureuse prostitution. (...) Monsieur d’Aiglemont dormait paisiblement près d’elle, sans à ªtre réveillé par les larmes chaudes que sa femme laissait tomber sur lui.
Mais qui donc oserait blà ¢mer les femmes ? Quand elle sont imposé silence au sentiment exclusif qui ne leur permet pas d’appartenir à  deux hommes, ne sont-elles pas comme des prà ªtres sans croyance ? Si quelques esprits rigides blà ¢ment l’espèce de transaction conclue par Julie entre ses devoirs et son amour, les à ¢mes passionnées lui en feront un crime. Cette réprobation générale accuse ou le malheur qui attend les désobéissances aux lois, ou de bien tristes imperfections dans les institutions sur lesquelles repose la société européenne.
Vous honnissez de pauvres créatures qui se vendent pour quelques écus à  un homme qui passe : la faim et le besoin absolvent ces unions éphémères ; tandis que la société tolère, encourage l’union immédiate, bien autrement horrible, d’une jeune fille candide et d’un homme qu’elle n’a pas vu trois mois durant ; elle est vendue pour toute sa vie. Il est vrai que le prix est élevé ! Si, en ne lui permettant aucune compensation à  ses douleurs, vous l’honoriez ; mais non, le monde calomnie les plus vertueuses d’entre nous ! Telle est notre destinée, vue sous ses deux faces : une prostitution publique et la honte, une prostitution secrète et le malheur. Quant aux pauvres filles sans dot, elles deviennent folles, elles meurent ; pour elle, aucune pitié ! La beauté, les vertus ne sont pas des valeurs dans votre bazar humain, et vous nommez société ce repaire d’égoà ¯sme. Mais exhérédez les femmes ! au moins accomplirez-vous ainsi une loi de nature en choisissant vos compagnes, en les épousant au gré des vÅ“ux du cÅ“ur.
Où le fantastique n’est jamais bien loin :
Sa tà ªte, aussi lourde que celle d’une mourante, s’inclina sur son sein ; puis, quand elle la releva, Julie vit sa tante surgie tout à  coup, comme un personnage qui se serait détaché de la tapisserie tendue sur les murs.
Où est violé le secret de la correspondance :
Semblable à  une jeune fille vertueuse qui accable un amant de dédains, mais qui, le soir, se trouve si triste, si abandonnée, qu’elle le désire, et veut un cÅ“ur où déposer ses souffrances, Julie laissa violer sans mot dire le cachet que la délicatesse imprime à  une lettre ouverte, et resta pensive pendant que la marquise lisait.
Où est évoquée la tradition des étrennes :
j’avais des palpitations de cÅ“ur semblables à  celles qui me saisissaient autrefois en ces jours solennels du 31 décembre, quand, sans à ªtre aperà §ue, je me glissais dans le salon où les étrennes étaient entassées.
Où Balzac n’oublie pas de s’en prendre à  la Révolution :
La tante ne pleura pas, car la Révolution a laissé aux femmes de l’ancienne monarchie peu de larmes dans les yeux. Autrefois l’amour et plus tard la Terreur les ont familiarisées avec les plus poignantes péripéties, en sorte qu’elles conservent au milieu des dangers de la vie une dignité froide, une affection sincère, mais sans expansion, qui lui permet d’à ªtre toujours fidèles à  l’étiquette et à  une noblesse de maintien que les mÅ“urs nouvelles ont eu le grand tort de répudier.
Je nie la famille dans une société qui, à  la mort du père ou de la mère, partage els biens et dit à  chacun d’aller de son cà ´té. La famille est une association temporaire et fortuite que dissout promptement la mort. Nos lois ont brisé les maisons, les héritages, la pérennité des exemples et des traditions. Je ne vois que décombres autour de moi.
Où trouver de l’énergie à  Paris ? Un poignard est une curiosité que l’on y suspend à  un clou doré,que l’on pare d’une jolie gaine. Femmes, idées, sentiments, tout se ressemble. Il n’y existe plus de passions, parce que les individualités ont disparu. Les rangs, les esprits, les fortunes ont été nivelés, et nous avons tous pris l’habit noir comme pur nous mettre en deuil de la France morte. Nous n’aimons pas nos égaux. Entre deux amants, il faut des différences à  effacer, des distances à  combler. Ce charme de l’amour s’est évanoui en 1789 ! Notre ennui, nos mÅ“urs fades sont le résultat du système politique.
Où la fenà ªtre est de nouveau centrale :
Demain nous ne mangerons plus dans cette salle ; quand il ne nous y verra pus, le jeune gentilhomme discontinuera de vous aimer par la fenà ªtre.
Où il est impossible d’imaginer révolu les types décrits par Balzac :
Ces personnages à  mérite factice interrogent au lieu de parler, ont l’art de mettre les autres en scène pour éviter de poser devant eux ; puis, avec une heureuse adresse, ils tirent chacun par le fil de ses passions ou de ses intérà ªts, et se jouent ainsi des hommes qui leur sont réellement supérieurs, en font des marionnettes et les croient petits pour les avoir rabaissés jusqu’à  eux. Ils obtiennent alors le triomphe naturel d’une pensée mesquine, mais fixe, sur la mobilité des grandes pensées. (...) Néanmoins, quelque habileté que déploient ces usurpateurs en défendant leurs cà ´tés faibles, il leur est bien difficile de tromper leurs femmes, leurs mères, leurs enfants ou l’ami de la maison ; mais ces personnes leur gardent presque toujours le secret sur une chose qui touche, en quelque sorte, à  l’honneur commun ; et souvent mà ªme elles les aident à  en imposer au monde.
La réputation de madame la marquise d’Aiglemont n’était pas, certes, plus extraordinaire que celle de certains hommes toujours en travail d’une Å“uvre inconnue : statisticiens tenus pour profonds sur la foi de calculs qu’ils se gardent bien de publier ; politiques qui vivent sur un article de journal ; auteurs ou artistes dont l՚œuvre reste toujours en portefeuille ; gens savants avec ceux qui ne connaissent rien à  la science, comme Sganarelle est latiniste avec ceux qui ne savent pas le latin ; hommes auxquels on accorde une capacité convenue sur un point, soit la direction des arts, soit une mission importante.Cet admirable mot : c’est une spécialité, semble avoir été créé pour ces espèces d’acéphales politiques ou littéraires.
Où tout est dit en un geste :
Quand il eut baîllé plusieurs fois, il prit un flambeau d’une main, de l’autre alla chercher languissamment le cou de sa femme, et voulut l’embrasser ; mais Julie se baissa, lui présenta son front, et y reà §ut le baiser du soir, ce baiser machinal, sans amour, espèce de grimace qui lui parut alors odieuse.
ou dans un détail vestimentaire :
Ils étaient habillés de la mà ªme manière. Cependant, en les regardant avec attention, je remarquai dans les collerettes de leurs chemises une différence assez frivole, mais qui plus tard me révéla tout un roman dans le passé, tout un drame dans l’avenir. Et c’était bien peu de chose. Un simple ourlet bordait la collerette de la petite fille brune, tandis que de jolies broderies ornaient celle du cadet, et trahissaient un secret de cÅ“ur, une prédilection tacite que les enfants lisent dans l’à ¢me de leurs mères, comme si l’esprit de Dieu était en eux.
Où le mariage mène à  l’opium :
Je prends de l’opium. L’histoire de la duchesse de..., à  Londres, m’en a donné l’idée. Tu sais, Mathurin en a fait un roman. Mes gouttes de laudanum sont très-faibles. Je dors. Je n’ai guère que sept heures de veille, et je les donne à  ma fille...
Où Balzac analyse le sombre, et ouvre sur le fonctionnement social (et son écriture) :
La grande, la vraie douleur, serait donc un mal assez meurtrier pour étreindre à  la fois le passé, le présent et l’avenir, ne laisser aucune partie de la vie dans son intégrité, dénaturer à  jamais la pensée, s’inscrire inaltérablement sur les lèvres et sur le front, briser ou détendre les ressorts du plaisir, en mettant dans l’à ¢me un principe de dégoà  »t pour toute chose de ce monde. Encore, pour à ªtre immense, pour ainsi peser sur l’à ¢me et sur le corps, ce mal devrait arriver en un moment de la vie où toutes les forces de l’à ¢me et du corps sont jeunes, et foudroyer un cÅ“ur bien vivant. Le mal fait alors une large plaie ; grande est la souffrance ; et nul à ªtre ne peut sortir de cette maladie sans quelque poétique changement : ou il prend la route du ciel, ou, s’il demeure ici-bas, il rentre dans le monde pour mentir au monde, pour y jouer un rà ´le ; il connaît dès lors la coulisse où l’on se retire pour calculer, pleurer, plaisanter. Après cette crise solennelle, il n’existe plus de mystères dans la vie sociale qui dès lors est irrévocablement jugée.
Où Balzac rappelle son but :
Ici donc s’arrà ªte cette leà §on ou plutà ´t cette étude fait sur l’écorché, s’il est permis d’emprunter à  la peinture une de ses expressions les plus pittoresques ; car cette histoire explique les dangers et le mécanisme de l’amour plus qu’elle ne le peint.
Où l’enfance est meurtrière :
Pourquoi donc aurais-je parlé de ce sinistre accident, ou dit le secret de ce malheur ? Hélène avait peut-à ªtre vengé son père. Sa jalousie était sans doute le glaive de Dieu.
Où Balzac met en scène des corsaires.
Où Dante n’est pas loin :
Madame d’Aiglemeont était une de ces poésies terribles, une de ces faces répandues par milliers dans la divine Comédie de Dante Alighieri.
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