il faut chanter ce qu’on aime, coà »te que coà »te
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, pas même sà »r de le penser, à  le formuler tu reconnais la chanson, c’est d’autres bouches, d’autres envies, d’autres destins – te voilà  réduit à  si peu que tu préfères te taire
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, on t’a tellement répété l’usure des mots que tu as presque fini par y croire, aspiré à  t’en débarrasser, te gargariser du radical – ça n’était pourtant qu’un mot lui aussi
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand tous ces horizons un à  un déclarés morts
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, il faudrait saisir, mais c’est être assailli que garder les yeux ouverts
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mains tendues, bienveillantes, apprivoiser ces cris, en éclater la gangue
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand pétri de silences et d’ellipses
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais la guerre
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ce monde qu’on sait pourri depuis si longtemps, et qui tient encore — c’est l’histoire d’une famille sous le second Empire
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais les hochets qu’on agite, les bouffons à  grelots — et la nausée qui t’accompagne
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ce n’est peut-être plus de liberté de paroles qu’il s’agit, mais de précision à  trouver
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tellement de bouches pour commenter, si peu de bras pour faire choir
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, à ´ sainte gangrène de la peur
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais à  force de te taire c’est vivre tout court qui devient impossible
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu sais nécessaire de renouveler ton passeport
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, aller où tu n’en sais rien, juste un peu plus loin de la haine
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, cette dame à  la radio expliquant qu’elle a planqué son pactole en Suisse parce qu’elle considère l’ISF profondément injuste, qu’elle a enfreint la loi parce que sa conscience le lui commandait
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, et portant tu sais d’où vient la violence, et qui ronge le contrat, sabote tout l’édifice
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand le bruit des stades recouvre tout, et pas que la poésie
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand tellement de paroles s’étalent qu’à  les traquer tu t’épuises et sombres au silence
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu ne crois plus aux imprécations, aux prophéties d’apocalypse, tu n’y vois plus que gesticulations
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, trop de mots pour rien, parce qu’éructés, c’est de temps et de silence que tu as besoin
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais tu sais qui avait fascination pour les décombres, rien là  qui rassure
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ce fragment de chanson qui ne quitte pas — when you ain’t got nothin’, you got nothin’ to lose
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, il ne serait pas si long à  établir l’inventaire de ce quoi abandonner
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, reste à  méditer le cafard de l’autoroute — tous ces départs accumulés sans une rupture — pas même une fuite
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, du temps, du silence, et vouloir croire que la main qui inflige la blessure est encore celle qui la guérit
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, parce que tu es las, qu’ainsi tout recommence, ou s’effondre si lentement
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu protèges tes mains du sang, rien d’autre
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, il ne te reste que l’à  côté
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ce flux permanent qui ne noie même pas, qu’il englue
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, trop peu de mots en partage
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, cerner d’abord quelle part en toi travaille le futile
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu voudrais trembler pour d’autres forces
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand c’est chanter qu’il faudrait
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand la fatigue est plus forte, et que rien sinon dormir
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, pris à  des riens — l’emprise dont c’est capable
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand les jours sont courts et que besoin d’autre chose que de mots
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, cette impression de vide que à §a peut être, tout morfondu au silence
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais l’éclaircie sous ton crâne — c’est la nuit qui te l’a donnée
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais sentir cette présence qui demande à  prendre mots
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ta vie n’aura été qu’un à  peu près
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais quand la bouche à  feu mâche le silence
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, toujours tu te méfieras des chorales
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, se rencogner dans l’hiver, pas même attendre
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ne resterait plus que danser avec les morts
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais quand, en même temps que lire, on t’apprend la peur de ne pas comprendre
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais ces deux antiennes — qui s’en souvient ? — du logiciel et de la pédagogie
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais tant qu’on a le choix ! mécanique sociale ou masse infantile
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, entre nécessité de continuer debout et préférer ne pas
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, trop souvent pris aux mots des autres — trop de pièges et de barbelés là  -dedans
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, qu’on te foute la paix et laisse le temps de réfléchir
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tourner autour de chacun sept fois, et repartir sans avoir ouvert la bouche
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand trop de surprise n’engendre que peur, et agressivité
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, prendre le temps de recenser, classer, dire il sera toujours temps
cÕšest pas facile à  dire tout ce qu’on pense, écholalies en abondance
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu guettes les signes, et trembles d’avoir compris
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, savoir ce qui de soi ou du monde
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, parce que ce glissement d’attente en délitement
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, cette impression de rabâcher, d’articuler du vide
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tu pourrais écrire trop d’anomie dans ton corps, trop d’aporie sur ta langue et puis secouer : ce ne serait que poussière
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais la chanson du désastre passée en boucle
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tous ces mots déversés — et réduire ton crà ¢ne de spectateur
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand il faudrait brà  »ler les horloges — c’est de désir et d’aube dont tu as besoin
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, tellement de mots à  reconstruire
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais faire que tes lèvres soient dignes, et chaque centimètre de ta peau
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand le monde à  l’image de ta vie, déchiré, éclaté, fragmenté
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, mais ne plus écouter la radio le matin, trop de discours enjoué, d’insolence surjouée — réalité déjouée
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, dans les entrailles de quelle bà ªte on voudrait nous faire lire l’avenir
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, trop appris à  demeurer silencieux le temps de l’agonie
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand autour les drapeaux trois couleurs collés aux vitrines et aux fenà ªtres
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand toute nuance abolie
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand regarder en arrière ce serait prétendument trahir
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, en faire quoi des rhétoriques du prà ªche et de la guerre ?
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand les mots s’effritent un peu plus c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, voilà  que plane le souvenir de Bérenger — jusqu’au bout
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, de la violence autour, celle des armes, celle des mots
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, entre refus du silence et l’involontaire sourire intérieur, à  regarder danser les mots, s’agencer fragiles — tu as peur d’avoir renoncé
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand l’impression que moins qu’à  un écroulement, c’est à  un dévoilement du monde que tu assistes
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ton corps avait fini par prendre ses aises dans ce théâtre d’ombres
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, ce monde tu ne l’as jamais aimé, mais on t’y laissait libre de t’ébrouer — les distances telles que tu ne risquais d’importuner personne
c’est pas facile de dire tout ce qu’on pense, quand on se méfie de tout, et même des métaphores — surtout ?
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand sous le glacis tu sais quel délitement
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand entendre fin d’un ordre ancien, et comprendre que c’est d’ordre nouveau qu’on te parle
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand tu regardes tes mains vides — et ressasses ton impuissance
c’est pas facile à  dire tout ce qu’on pense, quand l’envie de fuir — mais dans quel repli du monde te cacher ?
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