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habiter | anthologie

tout y est paix

pourtant, àªtre seul dans une pièce, ce peut àªtre la condition de la vie

La rue est bruyante ; de surcroît on bà¢tit de lÕšautre cà´té, presque en face ; en face ce nÕšest pas l՚église, ce sont des maisons pleines de gens ; pourtant, àªtre seul dans une pièce, ce peut àªtre la condition de la vie ; àªtre seul dans un appartement – provisoirement pour àªtre précis – une condition de bonheur (une seulement : à quoi me servirait un logis si je nÕšy vivais, si je nÕšy trouvais une patrie pour mon repos, disons deux clairs yeux bleus qui brillent par lÕšeffet dÕšune grà¢ce incompréhensible) ; mais tel quÕšil est en ce moment, lÕšappartement appartient au bonheur ; tout y est paix, la salle de bains, la cuisine, lÕšantichambre, les trois autres pièces ; ce nÕšest pas, comme ailleurs, ce bruit, cette indécence, ce pàªle-màªle incestueux et cette incohérence des corps, des désirs, qui ne se maîtrisent pas ; comme ailleurs où dans tous les coins naissent des relations coupables, où chaque meuble cache des choses inconvenantes et fortuites et des enfants illégitimes, et où tout se passe toujours non comme le dimanche dans les faubourgs silencieux et déserts, mais comme un samedi soir dans le délire des faubourgs étouffants et surpeuplés.
Kafka, Lettres à Milena

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