Le hasard t՚a fait échouer là  et tu n՚as pas suffisamment de courage pour te transporter ailleurs. D՚ailleurs tu n՚écoutes plus les phrases qui viennent d՚ailleurs, ces phrases qui autrefois te faisaient battre le cœur. Tu sais bien qu՚on ne te demandera jamais d՚être vivant. Tu peux faire ce que tu veux, on ne te demandera jamais d՚être digne, d՚être courageux, d՚être fidèle à  tes opinions. Non, ça ne fera pas de différence. On a tous de bonnes raisons de ne pas agir. Le monde n՚a pas de sens, mon ami. Tu vis dans un hôpital de fous, alors à  quoi bon ? À quoi bon écrire ? À quoi bon raconter ? À quoi bon s՚instruire ? Wozu ? Wa mek ? Je n՚en ai pas la moindre idée, répondait Beckett. Face à  l՚éternel retour de l՚absurdité de toute chose, la tendance générale est à  la résignation. L՚absence d՚appétit est la règle établie. T՚es fatigué de te battre pour une cause perdue ? Alors suis bien les instructions du bureau : ne quitte jamais l՚écran, arrondis ton dos, laisse tomber tes bras. Voilà  , très bien, t՚es un bon bestiau toi, hein ? Tu vas voir, on va te donner du fourrage et tu vas gentiment fermer ta gueule. T՚es fin prêt pour les trente prochaines années.
Gwen Denieul, Comment les hommes rampent, dans revue Tiers Livre, magazine fiction & littérature en ligne
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