Aujourd’hui, vases communicants avec Marie-Thérèse Peyrin avec pour mot d’ordre la rencontre, en toute liberté. Avec toutes mes excuses pour la mise en ligne tardive.
Liste des vases établie par Brigitte Célérier, qu’elle en soit remerciée.
Fiction cathare ou cathartique ( a minima mais je peux mÕš en amuser aussi)
Dès lors, vous lisant, Michel Brosseau, et prélevant vos jeux d՚ombres des formes anciennes, j‘ai pensé immédiatement à  la chanson faussement enfantine : Mon beau chà ¢teau !
Pas de chà ¢teau en cartes à  jouer, mais bà ¢tisse à  meurtrières, farcie de fissures à  la fois défensives et offensives, biffures protégées dans l՚épaisseur dÕšun épais mur médiéval. En me souvenant abruptement dÕšune explication donnée à  la cantonade, dans les hauteurs de la forteresse de Najac par un guide fatigué, jÕšai très vite embrayé sur la fin des haricots. Sans doute une rengaine explicative de ce vieil harangueur tombé en faction, apparemment sans plaisir, devant une excavation dépourvue de couvercle, je lÕšai vue entourée dÕšun gazon qui n՚était pas d՚époque. Crédulité touristique cependant, bien desservie par la suspension très provisoire de nos obligations professionnelles. Promenades au grand air, et décompte harcelant de nos congés d՚été. Et bientà ´t pour moi, hallucinations persévérantes, grouillement très visuel de charrettes grinà §antes et poussives, claquements de fouets, brassées de jurons harassés. Ici, jadis on colportait, on pourfendait, on chà ¢tiait. Tout ce qui me fait horreur définitivement. Avec des échauffourées, des embuscades en pagaille, on refoulait toute horde dÕšassaillants en mobilisant des armures cruelles, on écrasait, on humiliait, on pratiquait lÕšimpà ´t du sang. On dominait toute une valetaille repeinte à  la manière de Jérà ´me Bosch. Les uns, les autres et les suivants, étaient passés au fil du hachoir, du hà ¢toir, peut-à ªtre en alternance… La vie était si courte, quÕšil fallait la pendre haut, et lÕšexhiber vaincue, bien en-dessous du rà ªve dÕšimmortalité. On ne passait pas non plus sans le savoir et sans bruit cette fameuse arme à  gauche. On remontait en tremblant les escaliers étroits et tournants des tourelles. Colimaà §ons pour droitiers avisés. Ceux dÕšen haut étaient avantagés… Architectures abruptes et fonctionnelles pour lilliputiens belliqueux. Les femmes étaient des urnes à  fantassins, elles mouraient comme des mouches, le plus souvent en couches. On les engrossait le plus tà ´t possible et mécaniquement après les relevailles, sans ménagement jamais, entre deux batailles. Vie dÕšinsectes nerveux et vite orphelins, personnages de cour des miracles dans le promenoir des superstitions et des religions à  martyrs. Et à  lÕšheure de leurs morts… Ainsi-le fallait-il … On allumait de grands s candélabres… On chantait jusquÕšau sommeil, quelques hymnes nauséeux à  goà  »t giclées dÕšencens.
Les dépeupleurs sont morts depuis longtemps croit-on, mais les parois granitiques des vieux cachots en conservent les gangues à  grise mine. Avec leurs parois mouchetées de vieux lichens, les mortifères oubliettes restent insalubres et pourtant… visitables, bà ªtement innocentées par les rayons du soleil. Figées dans les mémoires comme des sosies de Musée Grévin ces odieuses concrétions amnésiques témoignent encore à  charge. La bà ¢tisse suinte ad libitum, le drame incompris de toutes les vies écourtées, elle pue lÕšhistoricité édulcorée par des étiquettes imprimées au pyrograveur sur du bois trop neuf. Ostentation dÕšun phénoménal effacement patrimonial, celui des cris, des dominations et des exactions par ferrailles interposées. « Nos malheurs ne durent pas longtemps dans la mémoire des autres » disait un jour autrement, le poète espagnol Claude Esteban. Lui était grand lecteur du Roi Lear et de ses pensées dures…
L՚amour comme la beauté sont de comparution récente… Je ne suis pas étonnée qu՚on puisse douter de leur existence. Les murailles n՚ont jamais eu d՚oreille. Il faut invariablement des grappins, des tuyaux, des cordes et des ficelles pour relier les prisonniers vivants, y compris à  l՚heure d՚internet des tablettes graphiques et des portables. Le secret des pyramides n՚est peut-à ªtre que le refus de mourir qui s՚inflige à  autrui pour voir comment à §a peut se vouloir… un état pareil… un tel scandale personnel. L՚image de la mort de l՚autre est aussi fascinante que celle de la naissance ou du coà ¯t. Il s՚agit toujours d՚un épisode lié à  un sentiment aigu de captivité transitoire et la recherche de ruses pour en sortir. Toutes trois sont si troublantes qu՚on passe beaucoup d՚énergie à  les provoquer ou à  les mettre à  distance. Chacun, chacune d՚entre nous possède sa panoplie d՚endurance et de jouissance secrètes. Recherche d՚issue, faute d՚avoir su, à  chaque fois, anticiper la condition circonstancielle d՚otage. Qui se voit volontiers longtemps hà ´te obligé de la beauté, de la passion amoureuse, du ventre parental ou d՚une sentence mortelle ? Et quand tout à §a se mélange indiciblement, et parvient à  nous sidérer durablement, implose-t-on davantage dans l՚écrit ? Nous connaissons tous la lassitude, et l՚horreur de ces cliquetis prémonitoires d՚épées, de forceps ou d՚arbalètes à  ombres portées par Cupidon dont on dit qu՚il s՚en fout… C՚est du tout surjoué d՚avance. On abandonne régulièrement à  la rouille et à  la dérision les reliques officielles de ces combats dégrisés. Post coà ¯tum ou partum animaux tristes…
Mais il y aura toujours des silencieux et des discrets pour relever les cadavres, des doux motivés pour caresser et réparer les jeunes ou vieilles peaux endolories, des rempailleurs dévoués pour embaumer la laideur résiduelle dans l՚envers des décors.
Ce seront toujours pour moi les orpailleurs du silence que sont les poètes. La terreur redevenue invisible, mais intacte, restera encore dans la place laissée vacante pour toutes sortes de légendes, de commentaires tendancieux, complaisants et inexacts. La beauté des regards aura péri en premier dans ces zestes immatériels de lumière, elle aura déguerpi dans les intermittences démentielles du désastre immémorial, elle aura contourné le constat du chaos orchestré, celui quÕšon reproduit fidèlement en calmes plaines ou dans lÕšespace aérien au-dessus des déserts pétroliers. Le dépeupleur intérieur, on le sait, nÕšest jamais fatigué. CÕšest un coucou dÕšhorloge qui aiguise son bec à  chaque génération d՚émigrants involontaires ou dÕšamoureux mal inspirés. La violence des mouvements est la mà ªme, lÕšamertume de la fin des illusions aussi. Trouver une place au soleil et qui ne soit pas la plus vulnérable ou désagréable, voilà  la grande affaire… Version système D : - « Tu te débrouilles ou tu dérouilles !  ». Pas de cà ´té | Hors des visées des meurtrières|CÕšest pas gagné, Michel !| Beauté fatale, disait mon frère lorsquÕšil était adolescent | mà ªme prénom|… vaguement enchanté, enivré peut-à ªtre, par sa rime craintive sur le pouvoir dÕš icelles. -« Beauté fatale, quand je te vois, moi, je cavale…  » … Et je le regardais sans comprendre. Il nÕšavait pas de cheval, ni de Dulcinée à  sauver, il nÕšavait pas lu Cervantès, il nÕšavait encore rien vu… rien vécu… JÕšespérais pourtant quÕšil tombe bien (Ne lui voulant précisément, comme à  vous, que du bien, me sentant presque sa jumelle à  onze mois d՚écart…), je souhaitais quÕšil devienne pour quelquÕšun un amoureux sans peur, sans en mourir… ni dÕšennui, ni de dévotion, ni de déception. AujourdÕšhui jÕšen rigole ou je mÕšinquiète à  distance pour lui … De lÕšeau claire et de la boue ont coulé sous tous les fronts.
Non ! Michel, les cochons dÕšInde non plus, nÕšont pas dÕšailes, ils ne planent pas longtemps lorsquÕšon les laisse tomber du balcon… On peut bien sà  »r les remettre dans leur cage, les nourrir, nettoyer leurs déjections, mà ªme si, jÕšen conviens, ils tournent un peu en rond… La beauté tourne en ronds, de toute faà §on. Elle aussi est encore trop souvent vénale. Est-ce pour cette raison quÕšon sÕšen méfie ? En prise directe sur la petite histoire locale, sa culturelle et hormonale condition, la prévenance entre humains est une à ¢pre conquà ªte de justesse. La déréliction semble un effet d՚élection puis de piétinement progressif ou brutal. La fin des haricots, cÕšest aussi lÕšarrà ªt de la lutte, faute de combustible pour la vitalité des corps et des esprits. LÕšarrà ªt du chant se profile alors. Le silence pourra faire ses avances à  mains nues. Il sera bien perà §u.
Vos silences, Michel, votre étonnement sera pareil au mien peut-à ªtre. Je vous imagine, mais sans image à  ma portée, je vous vois vous, lisant ce texte, le comparant au và ´tre, cherchant le script de la prochaine danse à  crà ¢ne découvert. Je guette votre réaction. J՚ai écrit sans m՚arrà ªter pendant plus de deux heures, avec des coupures que je vais qualifier de naturelles. Je suis remontée et redescendue sans relà ¢che dans le texte pour le rétamer, le recadrer, le rendre audible et partageable. J՚ai été dans un mouvement de déversement narratif intempestif que le principe actif des vases a favorisé. J՚ignore la teneur et la profondeur exacte du geyser que je vous donne à  voir. C՚est la première fois que je tente en public une écriture qui creuse ainsi le sol en stéréo. C՚est presque une promesse de petit délire interactif à  mémoire de formes. Le son des mots, leurs sens multiples, m՚ont autant guidée que les thèmes (familiers) que je favorise à  chaque fois que j՚écris une phrase au-dessous de l՚autre par accointances raisonnées et ce que l՚on appelle aussi préoccupations. Je te tutoie pour finir, parce que je tutoie toujours au bout d՚un temps plus court, mais sans constance, ceux qui s՚essaient à  causer avec générosité avec d՚autres. Pleine place |en face | à  face|. On aura repeuplé ? Je l՚ignore … Mais je termine avec une citation de Bernard Noà « l, à  qui je pense particulièrement en ce moment. Son écriture m՚accompagne souvent.
« Vous essayez de casser les mots avec des mots, et rien à  faire : ils ont entre eux des pouvoirs de passe-murailles ; ils ne se cognent pas, ils se traversent […]  » Bernard Noà « l – Les premiers mots -2003
Marie.Thérèse PEYRIN
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