Dans les dernières vidéos mises en ligne, ombres et jouer fort, les sons et les images, dans leur chaos volontaire, me semblent jouer un rôle de tenseurs.
Le spectateur, dĂ©stabilisĂ© faute de repères stables, soumis Ă l’imprĂ©visible, se trouve placĂ© dans un Ă©tat favorisant la rĂ©ception du texte improvisĂ© oralement.
Le texte se trouve ainsi mis en avant par le chaos sonore et visuel.
Improviser un texte Ă l’oral, seul devant le mirco de l’enregistreur, c’est descendre en soi. Pas un hasard si je ne m’y prĂŞte que lorsque je suis seul Ă la maison.
C’est provoquer le surgissement d’une parole en partie ignorĂ©e. Mais chaque fois partir d’un socle, d’une phrase depuis laquelle se jeter dans le vide.
D’un autre processus d’Ă©criture. Je ne conserve pas tout de ce qui vient. J’effectue au montage des suppressions. Ce qui parfois se tĂ©lescope Ă©tait d’abord Ă©loignĂ©.
Et je joue sur le rythme, en rapprochant ou Ă©loignant les fragments conservĂ©s. C’est une forme de mise en page. Une mise en espace sonore.
Beaucoup de silences pendant ces improvisations. Accepter d’attendre le surgissement, sans a priori de formulation. Laisser venir.
Achat d’une camĂ©ra. Elsa me fait remarquer que le tĂ©lĂ©phone aura Ă©tĂ© un vecteur vers le film, un dĂ©clencheur.
D’abord avoir en poche un objet susceptible de prendre des photos et de filmer, puis passage de l’opportunitĂ© Ă la rĂ©itĂ©ration de l’essai, au plaisir et ensuite Ă la nĂ©cessitĂ©.
Temporalités multiples du journal filmé. Entre le geste de filmer et le montage avec enregistrement de la voix off passe une semaine. Puis une autre avant de procéder à la diffusion sur YouTube.
Chaque fois qu’achat d’un nouveau matĂ©riel, filmer davantage. Pour dĂ©couvrir l’outil, mais peut-ĂŞtre aussi qu’avec celui-ci l’impression d’une rĂ©dĂ©couverte du monde. D’un nouvel affĂ »t du regard ou de l’ouĂŻe.
Si autour se cachent et se proposent des fictions, être à la recherche des ruptures dans le continuum du quotidien, y trouver des appuis pour démarrer des narrations.
CamĂ©ra façon Gopro, lĂ©gère et tient dans la paume de la main. Je l’utilise comme une bombe de peinture, en gestes ample : dans le mouvement capturer le rĂ©el sous des angles qui autrement me sont interdits.
Utilisation dĂ©sormais presque systĂ©matique de l’enregistreur Handyzoom pour la bande-son. Soigner celle-ci, c’est s’autoriser peu Ă peu la qualitĂ© technique.
Idem avec l’achat d’une camĂ©ra après un an et demi de vidĂ©os rĂ©alisĂ©es avec mon tĂ©lĂ©phone.
Doucement se sentir moins illĂ©gitime. Combat d’une vie.
L’utilisation de l’enregistreur implique de l’installer avant de filmer, et pendant ce temps, de dĂ©terminer mentalement l’angle de prise de vue.
Je filme plus longtemps depuis que j’utilise la camĂ©ra. MĂŞme phĂ©nomène quand j’ai utilisĂ© un micro sur le tĂ©lĂ©phone.
La montée en qualité induit des plans plus longs.
Dans l’index de la version Ă©crite (janvier 18/janvier 19), une des principales entrĂ©es concerne la pratique du journal filmĂ©.
Avancer en terrain inconnu, dĂ©couvrir, provoque une rĂ©flexivitĂ©. C’est Ă©crire sans le poids, et la sĂ©curitĂ©, des automatismes.
MĂŞme quand ne pas filmer, construire le regard en plans, s’appuyer sur les gĂ©omĂ©tries du monde ou dĂ©busquer ses facteurs de dĂ©construction et d’incertitude.
Filmer ce qui semble soutènement (gĂ©omĂ©tries) et ce qui souligne l’incertitude du monde (reflets, ombres). La photo comme le film Ă la fois captations du rĂ©el et porte ouverte vers le spectral.
Ou quand l’image mène au fantastique. Du monde Ă l’indicatif au monde du dessous, ou d’Ă cĂ´tĂ©.
Filmer, c’est aussi s’assurer de ne pas sombrer dans le monde comme si.
Écrit une micro-fiction, sur le fleuve.
Les prémices du texte nés mentalement au moment même de filmer pendant une promenade, appelons ça l’idée vague, ou l’intuition, puis constitution d’une ou deux phrases qui permettent de démarrer l’écriture.
Celles-ci ensuite abandonnées au moment de monter et d’enregistrer la voix off.
Quelques ajouts improvisés oralement, quelques ajustements. Au moment du montage, du calage de la voix avec les images et la bande-son, quelques suppressions.
Un montage au rythme lent peut suggérer la nécessité d’un dire, d’une narration. Les images proposent, mais demeurent indéterminées. La voix qui qui raconte offre une interprétation.
La fiction comme interprétation de l’énigme du monde. Ou manière de combler son insignifiance, sa vacuité. De redonner de l’épaisseur au monde.
Expérience du journal croisé avec Arnaud. Du montage de nos images respectives est né un troisième filmeur.
CommandĂ© des moustaches (windscreen) pour attĂ©nuer l’effet du vent sur le micro de la camĂ©ra.
Pas certain que je m’en serve puisque dĂ©sormais rĂ©alisation d’une prise de son avec l’enregistreur Handy Zoom.
Achat de la camĂ©ra, comme souvent impulsivitĂ© et prĂ©cipitation. De la difficultĂ© de s’autoriser Ă .
Se rassurer en se disant que les micros sont rarement bons sur les camĂ©ras. Mais j’aurais pu en choisir une avec prise pour micro externe…
Mise en Ă©cran (mise en page) sur le site des poèmes vidĂ©os (ce que j’appelle improvisations) : le texte plus une vignette pour la vidĂ©o.
Possible d’Ă©couter et lire, regarder et (s)avoir le texte Ă cĂ´tĂ©, pouvoir y revenir ou le lire avant.
ImpossibilitĂ© pour l’oeil de regarder vidĂ©o et lire texte (le texte est dans la voix qui sort de l’Ă©cran).
Considérer le texte écrit amputé de la voix, amputé des sons autour, des images ?
C’est quoi ce que j’appelle texte ?
La mise en Ă©cran questionne aussi la ponctuation. Dans la vidĂ©o, la respiration et l’arrière plan musical offrent un espace au dĂ©ploiement du texte, et dans une moindre mesure (?) les images.
Quoi pour guider la lecture, décider de la disposition sur la page ?
Essayé vers, séparation par slash, laisser en un seul bloc.
Seule certitude : un autre espace pour le texte. Un espace oĂą celui qui Ă©crit est la voix première (rien de nouveau, sinon qu’ici le lecteur n’a plus l’illusion de recrĂ©er la voix crĂ©atrice, elle s’impose Ă lui, s’expose).
Un texte qui s’entretisse avec d’autres Ă©lĂ©ments, visuels et sonores, qui le mettent en avant de par leur saturation, mais qui aussi interagissent avec lui (le colorent et le portent dans sa coulĂ©e).
Recours moins systématique au fondu pour les enchaînements de plans.
Le fondu Ă©tait une solution de facilitĂ© au dĂ©part, et prĂ©sentait l’avantage d’exprimer le passage du temps, son flux ininterrompu, et le fragmentaire pas toujours très bien dĂ©limitĂ© de la mĂ©moire.
Un moindre recours au fondu parce que je m’appuie davantage sur des gĂ©omĂ©tries pour filmer.
Filmer souvent le ciel, et comme les jours de grand vent se multiplient, les nuages en mouvement.
Vent et nuages qui filent, deux flux et soi fixe, regard immobile derrière les mêmes fenêtres.
Ciel du rĂŞve et de la contemplation sans but.
Filmer derrière mes fenĂŞtres. Je pense aux images qu’auraient pu faire mon père toutes ces annĂ©es oĂą postĂ© malade entre nationale et zone commerciale.
Un jour, je retournerai dans cette maison, et je filmerai depuis ses fenĂŞtres.
Achat d’un trĂ©pied. Permet de nouveaux cadrages, de dĂ©couper le monde autrement.
Possible aussi d’utiliser le zoom sans craindre aucun bougĂ©.
De l’importance des outils pour apprĂ©hender le monde.
Publication via KDP du texte de la première annĂ©e du journal. Que le livre prolonge le film. Que l’objet prenne corps depuis l’image et la voix.
Un autre geste, complĂ©mentaire, mais deux expressions qui se suffisent Ă elles-mĂŞmes : le film, le livre. Deux aboutissements d’un mĂŞme geste crĂ©ateur.
Et publier ce livre, c’est aussi affirmer que l’entreprise du journal filmĂ© est Ă©criture Ă part entière.
Cette publication, c’est aussi savoir ne pas avancer seul.
Initiée par trois auteurs diffusant leurs productions sur la plate-forme YouTube, François Bon, Michel Brosseau et Arnaud de la Cotte, la collection Prose de vue [1]
regroupe des formes d’Ă©criture Ă la croisĂ©e de la littĂ©rature et de la vidĂ©o. Prose de vue est ouverte Ă celles et ceux qui s’inscrivent dans une dĂ©marche de crĂ©ation transmĂ©dia alliant Ă©critures, images et sons.
Elle s’adresse Ă©galement Ă celles et ceux qui tentent de thĂ©oriser ces voies nouvelles. Prose de vue se dĂ©finit comme un outil transversal similaire Ă un label au sein duquel chacun publie ses textes de manière indĂ©pendante.
Prose de vue a aussi pour vocation de rassembler les travaux d’auteurs dĂ©sireux de dĂ©passer les frontières traditionnelles Ă©tablies entre les supports
et d’expĂ©rimenter des modes de diffusion renouvelĂ©s soucieux d’une plus grande proximitĂ© entre le crĂ©ateur et son public.
Un jour, quand le projet aura suffisamment avancé, rassembler sous forme de livre les textes des improvisations et autres fictions de la chaîne YouTube.
A propos de ce que j’appelle vidĂ©o poèmes.
La disposition des mots sur l’Ă©cran est une forme de mise page dans laquelle la composition de l’image intervient, puisque nĂ©cessitĂ© de rendre compatibles les deux lectures, du texte et de l’image.
Tenir compte des couleurs de l’image pour que le texte demeure lisible.
La mise en vers est aussi effectuĂ©e en fonction du temps de lecture nĂ©cessaire, de la zone de l’image dans laquelle le faire apparaĂ®tre.
Des effets de sens me semblent naître de ces contraintes.
Utilisation de la bande-son d’une sĂ©quence au ralenti : une musique brute, une autre distorsion du rĂ©el.
Dans les vidĂ©o poèmes, utilisation de noir et blanc et de la superposition d’images. Quelque chose de l’ordre du palimpseste et du rĂŞve.
Utiliser des images du journal pour les vidĂ©o poèmes. Davantage tenter de dire ce qu’on porte que ce qu’on vit.
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