Ils ont pu embellir la maison, supprimant ce qui rappelait l’ancien temps, les poutres apparentes, la cheminée, les tables en bois et les chaises de paille. Avec son papier à  fleurs, son comptoir peint et brillant, les tables et guéridons en simili-marbre, le café est devenu propre et gai. Du balatum à  grands damiers jaunes et bruns a recouvert le parquet des chambres. La seule contrariété longtemps, la faà §ade en colombage, à  raies blanches et noires, dont le ravalement était au-dessus de leurs moyens. En passant, l’une de mes institutrices a dit une fois que la maison était jolie, une vraie maison normande. Mon père a cru qu’elle parlait ainsi par politesse. Ceux qui admiraient nos vieilles choses, la pompe à  eau dans la cour, le colombage normand, voulaient sà  »rement nous empà ªcher de posséder ce qu’ils possédaient déjà  , eux, de moderne, l’eau sur l’évier et un pavillon blanc.
Il a emprunté pour devenir propriétaire des murs et du terrain. Personne dans la famille ne l’avait jamais été.
Annie Ernaux, La place
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