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traversée Balzac

La maison Nucingen

OĂą Balzac constate les changements de ses personnages :

HĂ©las ! ce n’est plus le Bixiou de 1825, mais celui de 1836, le misanthrope bouffon Ă qui l’on connaĂ®t le plus de verve et de mordant, un diable enragĂ© d’avoir dĂ©pensĂ© tant d’esprit en pure perte, furieux de ne pas avoir ramassĂ© son Ă©pave dans la dernière rĂ©volution, donnant son coup de pied Ă chacun en vrai Pierrot des Funambules, sachant son Ă©poque et les aventures scandaleuses sur le bout de son doigt, les ornant de ses inventions drĂ´latiques, sautant sur toutes les Ă©paules comme un clown, et tâchant d’y laisser une marque Ă la façon du bourreau.

Rastignac est l’héritier direct de feu de Marsay, il fera son chemin en politique comme dans le monde, dit Blondet.
— Mais comment a-t-il fait sa fortune, demanda Couture. Il Ă©tait en 1819 avec l’illustre Bianchon, dans une misĂ©rable pension du quartier latin ; sa famille mangeait des hannetons rĂ´tis et buvait le vin du cru, pour pouvoir lui envoyer cent francs par mois ; le domaine de son père ne valait pas mille Ă©cus ; il avait deux sĹ“urs et un frère sur les bras, et maintenant…
— Maintenant, il a quarante mille livres de rentes, reprit Finot : chacune de ses sĹ“urs a Ă©tĂ© richement dotĂ©e, noblement mariĂ©e, et il a laissĂ© l’usufruit du domaine Ă sa mère…
— En 1827, dit Blondet, je l’ai encore vu sans le sou.

OĂą Ă©crire serait se souvenir :

Un signe suffit pour expliquer le dĂ©sir que j’avais de rester et d’écouter au moment oĂą Bixiou prit la parole, comme on va le voir. Nous entendĂ®mes alors une de ces terribles improvisations qui valent Ă cet artiste sa rĂ©putation auprès de quelques esprits blasĂ©s, et, quoique souvent interrompue, prise et reprise, elle fut stĂ©nographiĂ©e par ma mĂ©moire. Opinions et forme, tout y est en dehors des conditions littĂ©raires. Mais c’est ce que cela fut : un pot-pourri de choses sinistres qui peint notre temps, auquel l’on ne devrait raconter que de semblables histoires, et j’en laisse d’ailleurs la responsabilitĂ© au narrateur principal.

OĂą toujours le nom :

Comment se faire connaĂ®tre ? Il suspend ses paiements. Bon ! Son nom, restreint Ă Strasbourg et au quartier Poissonnière, retentit sur toutes les places ! il dĂ©sintĂ©resse son monde avec des valeurs mortes, et reprend ses paiements : aussitĂ´t son papier se fait dans toute la France. Par une circonstance inouĂŻe, les valeurs revivent, reprennent faveur, donnent des bĂ©nĂ©fices. Le Nucingen est très-recherchĂ©.

OĂą ces personnages très secondaires, ombres passant dans le rĂ©cit :

Quand un cercueil est placé sous ce grand catafalque noir et blanc, taché de cire, qui a servi àtrois mille cadavres de gens comme il faut avant d’être réformé, selon l’estimation d’un croquemort philosophe que j’ai consulté sur ce point, entre deux verres de petit blanc

OĂą les Canuts :

On a beaucoup parlĂ© des affaires de Lyon, de la RĂ©publique canonnĂ©e dans les rues, personne n’a dit la vĂ©ritĂ©. La RĂ©publique s’était emparĂ©e de l’émeute comme un insurgĂ© s’empare d’un fusil. La vĂ©ritĂ©, je vous la donne pour drĂ´le et profonde. Le commerce de Lyon est un commerce sans âme, qui ne fait pas fabriquer une aune de soie sans qu’elle soit commandĂ©e et que le paiement soit sĂ »r. Quand la commande s’arrĂŞte, l’ouvrier meurt de faim, il gagne Ă peine de quoi vivre en travaillant, les forçats sont plus heureux que lui. Après la rĂ©volution de juillet, la misère est arrivĂ©e Ă ce point que les Canuts ont arborĂ© le drapeau : Du pain ou la mort ! une de ces proclamations que le gouvernement aurait dĂ » Ă©tudier, elle Ă©tait produite par la chertĂ© de la vie Ă Lyon. Lyon veut bâtir des théâtres et devenir une capitale, de lĂ des Octrois insensĂ©s. Les rĂ©publicains ont flairĂ© cette rĂ©volte Ă propos du pain, et ils ont organisĂ© les Canuts qui se sont battus en partie double. Lyon a eu ses trois jours, mais tout est rentrĂ© dans l’ordre, et le Canut dans son taudis.

OĂą Balzac commente l’un de ses romans :

Dès son dĂ©but Ă Paris, Rastignac fut conduit Ă mĂ©priser la sociĂ©tĂ© tout entière. Dès 1820, il pensait, comme le baron, qu’il n’y a que des apparences d’honnĂŞte homme, et il regardait le monde comme la rĂ©union de toutes les corruptions, de toutes les friponneries. S’il admettait des exceptions, il condamnait la masse : il ne croyait Ă aucune vertu, mais Ă des circonstances oĂą l’homme est vertueux. Cette science fut l’affaire d’un moment ; elle fut acquise au sommet du Père-Lachaise, le jour oĂą il y conduisait un pauvre honnĂŞte homme, le père de sa Delphine, mort la dupe de notre sociĂ©tĂ©, des sentiments les plus vrais, et abandonnĂ© par ses filles et par ses gendres. Il rĂ©solut de jouer tout ce monde, et de s’y tenir en grand costume de vertu, de probitĂ©, de belles manières. L’ÉgoĂŻsme arma de pied en cap ce jeune noble.

OĂą l’Ă©loge de l’arbitraire et de l’absolutisme :

OĂą veux-tu donc en venir ? dit Finot Ă Blondet.
— Au gouvernement absolu, le seul oĂą les entreprises de l’Esprit contre la Loi puissent ĂŞtre rĂ©primĂ©es ! Oui, l’Arbitraire sauve les peuples en venant au secours de la justice, car le droit de grâce n’a pas d’envers : le Roi, qui peut gracier le banqueroutier frauduleux, ne rend rien Ă l’Actionnaire. La LĂ©galitĂ© tue la SociĂ©tĂ© moderne.
— Fais comprendre cela aux Ă©lecteurs ! dit Bixiou.
— Il y a quelqu’un qui s’en est chargé.
— Qui ?
— Le Temps. Comme l’a dit l’évĂŞque de LĂ©on, si la libertĂ© est ancienne, la royautĂ© est Ă©ternelle : toute nation saine d’esprit y reviendra sous une forme ou sous une autre.

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