OĂą Balzac utilise le verbe Ă©cheniller
OĂą Balzac prise le tragique domestique :
Il se jouait en effet à La Baudraye une de ces longues et monotones tragédies conjugales qui demeureraient éternellement inconnues, si l’avide scalpel du Dix-Neuvième Siècle n’allait pas, conduit par la nécessité de trouver du nouveau, fouiller les coins les plus obscurs du cœur, ou, si vous voulez, ceux que la pudeur des siècles précédents avait respectés. Et ce drame domestique explique assez bien la vertu de Dinah pendant les premières années de son mariage.
OĂą Balzac Ă©nonce sa thĂ©orie sur l’opposition Paris province :
À Paris, il existe plusieurs espèces de femmes ; il y a la duchesse et la femme du financier, l’ambassadrice et la femme du consul, la femme du ministre qui est ministre et la femme de celui qui ne l’est plus ; il y a la femme comme il faut de la rive droite et celle de la rive gauche de la Seine ; mais en province il n’y a qu’une femme, et cette pauvre femme est la femme de province. Cette observation indique une des grandes plaies de notre société moderne. Sachons-le bien ! la France au dix-neuvième siècle est partagée en deux grandes zones : Paris et la province ; la province jalouse de Paris, Paris ne pensant à la province que pour lui demander de l’argent. Autrefois, Paris était la première ville de province, la Cour primait la Ville ; maintenant Paris est toute la Cour, la Province est toute la Ville. Quelque grande, quelque belle, quelque forte que soit à son début une jeune fille née dans un département quelconque ; si, comme Dinah Piédefer, elle se marie en province et si elle y reste, elle devient bientôt femme de province. Malgré ses projets arrêtés, les lieux communs, la médiocrité des idées, l’insouciance de la toilette, l’horticulture des vulgarités envahissent l’être sublime caché dans cette âme neuve, et tout est dit, la belle plante dépérit. (...) personne n’a l’idée de croiser les races, l’esprit s’abâtardit nécessairement ; aussi, dans beaucoup de villes, l’intelligence est-elle devenue aussi rare que le sang y est laid. L’homme s’y rabougrit sous les deux espèces, car la sinistre idée des convenances de fortune y domine toutes les conventions matrimoniales. Les gens de talent, les artistes, les hommes supérieurs, tout coq à plumes éclatantes s’envole à Paris.
Paris est le monstre qui fait nos chagrins, répondit la femme supérieure. Le mal a sept lieues de tour et afflige le pays tout entier. La province n’existe pas par elle-même. Là seulement où la nation est divisée en cinquante petits États, là chacun peut avoir une physionomie, et une femme reflète alors l’éclat de la sphère où elle règne. Ce phénomène social se voit encore, m’a-t-on dit, en Italie, en Suisse et en Allemagne ; mais en France, comme dans tous les pays à capitale unique, l’aplatissement des mœurs sera la conséquence forcée de la centralisation.
Où Balzac introduit un poème dans son récit et le commente :
Quoique l’alliance des vers et de la prose soit vraiment monstrueuse dans la littérature française, il est néanmoins des exceptions à cette règle. Cette histoire offrira donc une des deux violations qui, dans ces Études, seront commises envers la charte du Conte ; car, pour faire entrevoir les luttes intimes qui peuvent excuser Dinah sans l’absoudre, il est nécessaire d’analyser un poème, le fruit de son profond désespoir.
Où réapparaissent Georges Sand et la fictive Camille Maupin :
Quand, après la révolution de 1830, la gloire de Georges Sand rayonna sur le Berry, beaucoup de villes envièrent à La Châtre le privilège d’avoir vu naître une rivale à madame de Staë l, à Camille Maupin, et furent assez disposées à honorer les moindres talents féminins. Aussi vit-on alors beaucoup de Dixièmes Muses en France, jeunes filles ou jeunes femmes détournées d’une vie paisible par un semblant de gloire !
Où Balzac rappelle le nombre limité de lecteurs :
Ce petit volume jaune fut tiré à deux cents exemplaires, dont cent cinquante se vendirent, environ cinquante par département. Cette moyenne des âmes sensibles et poétiques dans trois départements de la France, est de nature à rafraîchir l’enthousiasme des auteurs sur la furia francese qui, de nos jours, se porte beaucoup plus sur les intérêts que sur les livres.
Où il est fait mention de La grande Bretèche :
Dans les histoires dont se composait son fonds de narration, car tous les gens d’esprit ont une certaine quantitĂ© d’anecdotes comme madame de La Baudraye avait sa collection de phrases, l’illustre docteur choisit celle connue sous le nom de La Grande Bretèche et devenue si cĂ©lèbre qu’on en a fait au Gymnase-Dramatique un vaudeville intitulĂ© Valentine. Aussi est-il parfaitement inutile de rĂ©pĂ©ter ici cette aventure, quoiqu’elle fĂ »t du fruit nouveau pour les habitants du château d’Anzy. Ce fut d’ailleurs la mĂŞme perfection dans les gestes, dans les intonations qui valut tant d’éloges au docteur chez mademoiselle des Touches quand il la raconta pour la première fois.
Où la frontière est poreuse entre réalité et fiction :
Bah ! dit Bianchon, les inventions des romanciers et des dramaturges sautent aussi souvent de leurs livres de leurs pièces dans la vie rĂ©elle que les Ă©vĂ©nements de la vie rĂ©elle montent sur le théâtre et se prĂ©lassent dans les livres. J’ai vu se rĂ©aliser sous mes yeux la comĂ©die de Tartuffe, Ă l’exception du dĂ©noĂ »ment : on n’a jamais pu dessiller les yeux Ă Orgon.
OĂą Balzac introduit Ă plusieurs reprises un fragment de texte brut enveloppant un paquet d’Ă©preuves reçu par Lousteau :
et oĂą s’engage une reconstitution — doublĂ©e d’un commentaire ironique — du puzzle narratif :
Oh ! cette bonne feuille et le fragment de maculature se suivent ! La dernière page du fragment est la 212 et nous avons ici 217 ! Et, en effet, si, dans la maculature, Rinaldo, qui a volé la clef des trésors de la duchesse Olympia en lui en substituant une à peu près semblable, se trouve, dans cette bonne feuille, au palais des ducs de Bracciano, le roman me paraît marcher à une conclusion quelconque. Je souhaite que ce soit aussi clair pour vous que cela le devient pour moi… Pour moi, la fête est finie, les deux amants sont revenus au palais Bracciano, il est nuit, il est une heure du matin. Rinaldo va faire un bon coup !
OĂą Balzac l’Ă©ternel correcteur de ses manuscrits :
Évidemment ni Maradan, ni les Treuttel et Wurtz, ni Doguereau n’ont imprimé ce roman-là , dit Lousteau ; car ils avaient des correcteurs à leurs gages, qui revoyaient leurs épreuves : un luxe que nos éditeurs actuels devraient bien se donner, les auteurs d’aujourd’hui s’en trouveraient bien…
OĂą Balzac cogne sur la bourgeoisie et le sort qu’elle fait aux Ă©crivains :
De retour Ă Paris, Lousteau perdit en quelques semaines le souvenir des beaux jours passĂ©s au château d’Anzy. Voici pourquoi. Lousteau vivait de sa plume. Dans ce siècle, et surtout depuis le triomphe d’une bourgeoisie qui se garde bien d’imiter François Ier ou Louis XIV, vivre de sa plume est un travail auquel se refuseraient les forçats, ils prĂ©fĂ©reraient la mort. Vivre de sa plume, n’est-ce pas crĂ©er : crĂ©er aujourd’hui, demain, toujours… Ou avoir l’air de crĂ©er ; or le semblant coĂ »te aussi cher que le rĂ©el ! outre son feuilleton dans un journal quotidien qui ressemblait au rocher de Sisyphe et qui tombait tous les lundis sur la barbe de sa plume, Étienne travaillait Ă trois ou quatre journaux littĂ©raires. Mais, rassurez-vous ? il ne mettait aucune conscience d’artiste Ă ses productions. Le Sancerrois appartenait, par sa facilitĂ©, par son insouciance, si vous voulez, Ă ce groupe d’écrivains appelĂ©s du nom de bons enfants. En littĂ©rature, Ă Paris, de nos jours, la bonhomie est une dĂ©mission donnĂ©e de toutes prĂ©tentions Ă une place quelconque. Lorsqu’il ne peut plus ou qu’il ne veut plus rien ĂŞtre, un Ă©crivain se fait journaliste et bon enfant. On mène alors une vie assez agrĂ©able. Les dĂ©butants, les bas bleus, les actrices qui commencent et celles qui finissent leur carrière, auteurs et libraires caressent ou choyent ces plumes Ă tout faire. Lousteau, devenu viveur, n’avait plus guère que son loyer Ă payer en fait de dĂ©penses. Il avait des loges Ă tous les théâtres. La vente des livres dont il rendait ou ne rendait pas compte soldait son gantier ; aussi disait-il Ă ces auteurs qui s’impriment Ă leurs frais : — J’ai toujours votre livre dans les mains. Il percevait sur les amours-propres des redevances en dessins, en tableaux. Tous ses jours Ă©taient pris par des dĂ®ners, ses soirĂ©es par le théâtre, la matinĂ©e par les amis, par des visites, par la flânerie. Son feuilleton, ses articles, et les deux nouvelles qu’il Ă©crivait par an pour les journaux hebdomadaires, Ă©taient l’impĂ´t frappĂ© sur cette vie heureuse. Étienne avait cependant combattu pendant dix ans pour arriver Ă cette position. Enfin connu de toute la littĂ©rature, aimĂ© pour le bien comme pour le mal qu’il commettait avec une irrĂ©prochable bonhomie, il se laissait aller en dĂ©rive, insouciant de l’avenir.
OĂą tout ça s’adresse peut-ĂŞtre Ă la Hanska :
Le style des vrais amants est limpide. C’est une eau pure qui laisse voir le fond du cĹ“ur entre deux rives ornĂ©es des riens de la vie, Ă©maillĂ©es de ces fleurs de l’âme nĂ©es chaque jour et dont le charme est enivrant mais pour deux ĂŞtres seulement. Aussi dès qu’une lettre d’amour peut faire plaisir au tiers qui la lit, est-elle Ă coup sĂ »r sortie de la tĂŞte et non du cĹ“ur. Mais les femmes y seront toujours prises, elles croient alors ĂŞtre l’unique source de cet esprit.
OĂą le monde change :
madame Cardot, la Notaresse, est une Chiffreville, des fabricants de produits chimiques, l’aristocratie d’aujourd’hui, quoi ? des Potasse !
OĂą Balzac rappelle l’importance de la volontĂ© pour la crĂ©ation :
On ne produit pas une belle Ĺ“uvre parce qu’une femme expire, ou pour payer des dettes dĂ©shonorantes, ou pour nourrir des enfants. NĂ©anmoins il n’existe pas de grand talent sans une grande volontĂ©. Ces deux forces jumelles sont nĂ©cessaires Ă la construction de l’immense Ă©difice d’une gloire. Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis un preux avait ses armes toujours en Ă©tat. Ils domptent la paresse, ils se refusent aux plaisirs Ă©nervants, ou n’y cèdent qu’avec une mesure indiquĂ©e par l’étendue de leurs facultĂ©s : ainsi s’expliquent Scribe, Rossini, Walter Scott, Cuvier, Voltaire, Newton, Buffon, Bayle, Bossuet, Leibnitz, Lope de VĂ©ga, Calderon, Boccace, l’Aretin, Aristote, enfin tous les gens qui divertissent, rĂ©gentent ou conduisent leur Ă©poque. La volontĂ© peut et doit ĂŞtre un sujet d’orgueil bien plus que le talent. Si le talent a son germe dans une prĂ©disposition cultivĂ©e, le vouloir est une conquĂŞte faite Ă tout moment sur les instincts, sur les goĂ »ts domptĂ©s, refoulĂ©s, sur les fantaisies et les entraves vaincues, sur les difficultĂ©s de tout genre hĂ©roĂŻquement surmontĂ©es.
OĂą l’Ă©loge de Stendhal :
Après ces quatre années d’intimité, l’amour de cette femme avait fini par réunir toutes les nuances découvertes par notre esprit d’analyse et que la société moderne a créées, un des hommes les plus remarquables de ce temps, dont la perte récente afflige encore les lettres, Beyle (Stendhal) les a, le premier, parfaitement caractérisées.
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