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notes de chevet

crevaison

constater, rentrant du boulot à vélo à midi, la crevaison du pneu arrière, se souvenir des bouts de verre sur la piste cyclable, éclats des bouteilles brisées là le samedi soir ou un autre jour, le long de la ligne du tram, derrière le supermarché de centre-ville, à proximité du lycée, éclats qui brillent au soleil, s’être ingénié à les éviter, n’y être pas parvenu, philosopher pitoyable sur le fait qu’il suffit d’un seul traversant le pneu, perçant la chambre et ressortant, de nouveau prêt à faire son office, rager contre cette expression de rébellion vaine, ivre fracasser la bouteille sur le bitume — quand c’est sa propre destruction après laquelle on boit, son propre éclatement, quête d’une éclate totale jamais atteinte —, prendre la voiture pour l’après-midi, le soir avoir la mauvaise idée d’allumer la radio, constater ce surplace d’un monde qui s’effondre — peut-être la répétition des mots convenus qui ralentit sa chute —, rentrer chez soi avec encore la rumination de la journée passée, manque l’exutoire de l’effort et de la pensée qui cavale, du vide qui se fait au rythme du souffle, devoir réparer, repousser la besogne, avec elle la crainte de la rustine qui ne tient pas, du câble de frein qu’il faut de nouveau régler, patins à ajuster parce que la roue frotte — c’est sa propre maladresse qu’on convoque, et le refus d’apprendre ces gestes, quand on croyait que seuls les bouquins permettraient d’échapper à l’usine, au destin tout tracé, c’est cette façon idiote d’avoir compartimenté le monde, encouragé par le discours de l’école qui triait les « manuels » des autres — sans oser nommer ces derniers, le terme d’« intellectuels » ne pouvant convenir à qui destinés à demeurer en périphérie, nous donnant l’impression que la capacité à l’abstraction rendait un peu moins réel, nous rendant ainsi incertains, étrangers à nous-mêmes et à d’où nous venions, innommables

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