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au fil des jours

décades - extraits #1

Je suis né à Cholet, dans les locaux de la clinique Saint Luc. Fermée depuis juin 2013. Google me propose l’image de sa façade aux volets clos ; quelques noms de médecins figurent encore sur un panneau. Impression de délabrement. Impression d’un autre temps malgré les volets roulants. L’austérité de la façade, peut-être ; cette masse à angles droits. Et tristesse du crépi, blanc sali. Seule un mini tag confirme que la photo a été prise en juin 2015.
Je songe à la clinique où sont nés mes deux enfants. Ils n’avaient pas dix ans que déjà elle était en vente. Elle l’est toujours. Elle aussi vacante, vide – et pourtant toutes ces vies qui ont commencé là , s’y sont terminé. Pas grand chose à quoi accrocher sa vie à part les mots. Qu’on se le dise : la permanence n’est pas pour nous. Des pièces vides, des friches et des ruines quand on regarde en arrière. Non que le temps s’accélère, mais le goût du fric qui éclate un peu plus la durée : même stratégie ici et là de rassembler les cliniques en un seul lieu pour plus de rentabilité, et avec l’aide de l’argent public.
Je suis né à Saint Luc. Mes enfants aux Longues allées. Eux auront été indemnes de bondieuserie. Sans doute ceux d’une bonne sœur, les premiers bras pour m’accueillir.
Je remonte sur l’écran la rue de la clinique. Rue Salbérie. Impossible de trouver quoi que ce soit sur le web à propos de ce nom. Une rue en pente, pas assez large pour avoir pu être à double sens. Du moins ce que je suppose, ou voudrais tel : mon premier trajet en voiture aurait été la montée de cette côte dans une 2CV. Humble départ.

J’aperçois un arbre de l’autre côté de la rue, derrière le mur d’un jardin. Trop peu poussé pour avoir été là il y a presque cinquante ans. En revanche, le cèdre situé plus haut, dans un virage, était sans doute déjà là , sans doute alors seulement à hauteur du toit de la maisonnette d’à côté : la forme tabulaire de la cime n’apparaît que sur les sujets âgés d’au moins trente ans, m’annonce Wikipédia. Et que les cèdres peuvent vivre plus de deux mille ans. On aurait sans doute beaucoup à apprendre de leur conversation.
Une chose certaine, les horodateurs n’étaient pas encore là . Premiers parcmètres apparus dans les années 70. Au moins alors aussi grand que l’engin, puisque souvenir du mini panneau « interdiction de stationner » laissant la place, une fois la monnaie introduite, à l’aiguille indiquant la durée de stationnement autorisé. Bruit mécanique pendant le déplacement de l’aiguille. Ravi par le spectacle.
Il en aura fallu du temps pour que le parcmètre rejoigne les Mauges. Mon père avait 8 ans lors de la première installation à Oklahoma City, en 1935 – dixit l’encyclopédie en ligne.
L’écran web est machine à temps.

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