comme si le vide

Devant lui, Simon voyait seulement le large ruban de la route, divisé par trois bandes jaunes qui se perdaient derrière un mouvement de terrain par une courbure de scenic-railway, dévalant vers lui par dessus l’épaule de la colline d’une coulée lisse de fleuve d’asphalte. Dès qu’il était libre de voitures, le fleuve apparaissait aussitôt se figer, et le silence prenait une qualité un peu fantomatique, comme si le vide — un vide soudain et un peu étourdi — fût descendu sur lui perceptible avec les langues de feu tremblées de la chaleur. « Les anges passent aussi sur les grandes routes », pensa-t-il, et il vit devant lui son après-midi s’étendre libre, vacante et remuée, un peu solennelle, comme les lourds nuages blancs ballonnés qui commençaient à monter par-dessus la crête de la route.

Julien Gracq, La Presqu’île

~ par michel brosseau sur 27 septembre 2011.

Laisser un commentaire